Le jazz a été la musique pop des années 1930. Même quand les artistes n'avaient rien à voir avec cette musique, on sentait son ombre dans les coins. C'est aussi au cours de cette décennie que sont nés des douzaines de standards qui circulent encore de nos jours, même si, à l'origine, ces chansons n'avaient rien à voir avec le jazz (Je parle ici des Summertime, Night and Day, Honeysuckle Rose, etc.)
Parmi les éléments nouveaux : les chanteuses. Déjà discrètement présentes vers la fin des années 1920, les Mildred Bailey, Ivie Anderson, Billie Holiday, Ella Fitzgerald semblent éclore toutes en même temps, mais on peut octroyer l'idée du chant jazz aux extraordinaires Boswell Sisters. Les big bands avaient tous des chanteuses.
Ah, les big bands, ces orchestres de quinze musiciens et plus, avec une section de cuivres. C'est le son typique des années 1930. À ce moment, ces formations étaient tout à fait jazz : Count Basie, Duke Ellington, Tommy Dorsey, Benny Goodman. D'autres orchestres du genre, tels ceux d'Eddie Duchin, de Larry Carlton et Glenn Miller étaient davantage des formations pour la danse, mais avec quelques larmes jazzées dans les coins. L'immense popularité de Miller deviendra, la décennie suivante, une grande nuisance au jazz.
À l'opposé, il y a le début de l'éclosion des petites formations, trios ou quartettes, qui seront si importantes pour l'avenir du jazz. La chanteuse Cleo Brown se produit en trio, Teddy Wilson et sa chanteuse Billie Holiday dirigeait un petit groupe, le jovial et talentueux Fats Waller avait recours à peu de musiciens, puis la formule sera admirable entre les mains de Goodman.
Benny et le Duke! Deux immenses musiciens, n'ayant pas peur de prendre des risques, d'aller de l'avant, d'avoir un sens pointu des arrangements musicaux. Goodman fait entrer le jazz au Carnegie Hall, intègre des Noirs dans ses orchestres blancs, donne la chance à Charlie Christian, le premier guitariste électrique de tous les temps. À propos de la pièce de Benny que je vous propose, on y entend Christian, mais aussi Lionel Hampton et son vibraphone, un instrument nouveau dans la sphère jazz.
Cette explosion musicale était américaine. Le jazz était pourtant connu en Europe, mais peu de musiciens osaient, sinon le Britannique Ray Noble, le Français Ray Ventura, les deux sans être tout à fait du jazz, mais adoptaient simplement l'idée du big band. Django Reinhardt et Stéphane Grappeli prolongent avec éclat l'idée de Venuti et Lang des années 1920, avec un style inédit et propre à un aspect de la culture de France : le manouche. Une réussite admirable, mais une parenthèse dans l'histoire du jazz, avant que le style ne revienne sur le devant de la scène aussi tardivement qu'au cours des années 1990.
Notre photo : Duke Ellington.
Commentaires
Tu sais, ce n'est pas facile de me limiter à dix pièces, tout en voulant être représentatif de la musique d'une décennie entière.
Les soeurs Boswell sont très étonnantes. Tu noteras les changements de rythme dans leur chanson.
J'ai passé encore un excellent moment musical avec ces pièces que je connais mieux, à part les deux premières que je n'avais jamais écouté....