Les palmarès québécois des années 1960 ont tout pour étonner. Chanceux que je suis, je peux citer un exemple de ma ville de Trois-Rivières. Il y avait deux stations de radio : CHLN visait la clientèle adulte et CKTR s'occupait des jeunes. Si la seconde favorisait les versions québécoises, la première optait pour les pièces provenant de France. Pour les compagnies de disques, quand un 45 tours potable arrivait de France, on dépêchait un groupe ou une chanteuse pour illico enregistrer une version locale, dans l'espoir de jeter le 45 de France dans les limbes. Volci trois exemples, suivis de deux étonnantes versions de chansons européennes.
HOU-LOPS : Le groupe jette Adamo dans les limbes. Si je rencontre un Hou-Lops un jour, je vais lui poser la question : Ça ne venait pas de vous, interpréter Adamo, n'est-ce pas ? Car ce n'était pas vraiment le style de la formation. Notez que les versions québécoises évitaient la formule de France, avec violons et cuivres. C'était la base guitare-basse-batterie.
SULTANS : Deux gagnants au fil d'arrivée. J'ai souvent croisé des palmarès 1966 avec les Sultans coude à coude avec Polnareff. On peut reconnaître que la version d'origine est un disque supérieur, mais le 45 tours des Sultans était loin d'être mauvais.
GUERRIÈRES : France Gall gagnante haut-la-main. Ce sera le seul disque des Guerrières, davantage connues pour cette incroyable photo ci-haut. On n'en voit plus des comme ça! D'ailleurs, les filles jouant de leurs instruments étaient une rareté. Il va de soi que Mario B apprécie l'orgue de la version locale.
BEL-CANTO : Le groupe local le moins manipulé par les compagnies de disques. Peu de versions de pièces anglophones dans leur répertoire, présentant surtout des compositions. Quand venait le temps de l'interprétation, ces jeunes gens proposaient ce que les autres ne faisaient pas : des chansonniers québécois (Ferland, Vigneault) ou des chanteurs à texte de France : Bécaud, Aznavour et, ici, du Jacques Brel yéyé.
CLASSELS : Le groupe le plus populaire de l'époque, mais bibi n'aime pas trop, à cause de la présence de guimauve trop sucrée et des voix des deux chanteurs. Cependant, j'admets que les Classels étaient de bons musiciens, avec beaucoup d'écho sur la guitare. Pourquoi une version 1966 d'une pièce 1961 de Bécaud ? Parce qu'en 66, une version anglaise, par Sonny & Cher, était sur toutes les lèvres. Quoi qu'il en soit, ni le duo ni Bécaud n'offraient des guitares tranchantes comme celles des Classels.
Commentaires
On sentait parfois une certaine urgence. Cette histoire d'adapter des titres anglos en français répondait aussi à cette urgence. C'était le cas dans plusieurs pays (Bon sujet pour le prochain article) dont la France. Des gens comme Dick Rivers, Halliday ne faisaient que des traductions.
C'est en 1966, autant en France qu'au Québec, où les artistes jeunesse ont fait savoir qu'ils pouvaient aussi composer. Cela existait avant, mais ils avaient un mal fou à enregistrer leurs chansons.
j'aime mieux les originaux !!!
bonne journée
Très intéressant ces histoires sur la motivation et la production de ses titres. On dirait aujourd'hui c'est de la réappropriation identitaire où du populisme d’État ?...
Ah si, Gilles Rousseau chantait en français ! Ah! Ah!
Commentaire de Tuti sur la chanson des Hou-Lops : Mais c'est le même accent qu'avec français...