Larry Clinton dirigeait un orchestre très banal. Sa grande chance est d'avoir engagé Bea Wain. Sa plus grande malchance est lorsqu'elle est partie. Pendant ce court moment, les succès populaires se sont accumulés, dans une veine "orchestre de danse". La voix de la jeune chanteuse était remarquable ! Sur la photo, Larry Clinton côtoie Bea Wain. Au moment d'écrire ces lignes (Mai 2015) Bea Wain est l'une des rares survivantes de l'époque des big bands, âgée de 98 ans.
Larry Clinton & Bea Wain, Heart and Soul (1938)
La chanson que je vous présente est toutes sortes de trucs. D'abord : la première chanson R & B que j'ai entendue dans ma vie, puisqu'elle était la pièce 1 de la face A d'un double-album retraçant l'histoire des disques Atlantic. J'ai aimé immédiatement ! Elle est le premier succès pour Atlantic. C'est du rhythm & blues ? Oui, mais à la lettre : dans le R & B, il y a des cuivres, mais pas ici. C'est donc du blues rythmé. C'est du proto rock & roll ? Mille fois, à cause du climat chaud et de la partie de guitare électrique (jouée par le frère de mon invité, le célèbre Brownie McGhee, de la légende du duo avec Sonny Terry). J'aimerai toujours cette chanson, parce qu'elle a de la gueule.
Sticks McGhee & His Buddies, Drinkin' Wine Spo-Dee-O-Dee (1949)
Ma certitude : les années 1950 sont la période d'or de l'histoire du jazz. Pourquoi ? Parce que c'était la rencontre de deux mondes : les vétérans des années 1930 (Armstrong, Holiday, Teagarden, Fitzgerald) n'étaient pas des vieillards et pousuivaient une tradition en se servant de la qualité sonore grandissante des studios d'enregistrement, où les rubans magnétiques avaient remplacé les acétates hasardeux de jadis. Le second monde : l'imagination et le talent de beaucoup de jeunes musiciens de be-bop : Miles Davis, Modern Jazz Quartet, Ray Bryant, Oscar Peterson, tant d'autres ! Enfin, dernier point : cette musique a profité amplement d'une nouveauté : le microsillon. Adieu la limite temporelle des 78 tours ! Les musiciens pouvaient ainsi s'exprimer plus librement.
Énormément de disques de jazz de la décennie 1950 ont gardé beaucoup de fraîcheur. On peut les découvrir aujourd'hui et les écouter sans sourciller. C'est le cas de cet enregistrement du saxo Zoot Sims. Vous écoutez ce truc et vous pensez que ça a été enregistré il y a deux années, alors que ce microsillon a près de 60 années d'existence. Zoot avait débuté dans les orchestres plus traditionnels de Benny Goodman et Woody Herman, avant de voler de ses propres ailes dès 1954, tout en participant aux disques des camarades jazzés. Il est décédé en 1985.
Zoot Sims, Pegasus, 1956, That Old Feeling
Au-delà des succès radiophoniques, Chuck Berry aura une énorme influence sur les jeunes musiciens des années 1960, puis des 1970, mais un peu moins par la suite... Je ne vous parlerai pas des accords de guitare. Ce qui m'a toujours enchanté chez Berry sont les paroles des chansons. Il ne faut pas le cacher, les propos des premiers artistes de rock étaient faibles, niais, clichés. Pas chez Chuck. Il a su créer un univers s'adressant aux adolescents, le seul public pour cette musique à ce moment. Les bagnoles, la vie à l'école, les rendez-vous, l'amitié. Ma chanson favorite de Chuck Berry est celle que je vous présente, même s'il y a moins de guitare que sur ses autres disques.
Les paroles sont magnifiques, charmantes, évocatrices. D'abord, Berry a eu le flair de nommer toutes ces villes, certain d'attirer ainsi un grand public de ces localités et régions. La chanson célèbre une fille de seize ans, qui collectionne des autographes et a des photos de ses idoles aux murs de sa chambre. J'adore quand elle demande à sa mère si elle peut se rendre au spectacle, car c'est si excitant de voir un musicien voler la vedette. Il y a alors un sous-entendu, nous laissant deviner que la mère refuse. Alors, la jeune fille se tourne vers son père et fait : "Papa, je t'en supplie, dis à maman que tu es d'accord." Rien de plus ado que ce mignon scénario ! Petite information : le solo de piano est signé Lafayette Leake, un musicien de jazz.
Chuck Berry, Sweet Little Sixteen (1958)
Au cours des années 1950, il fut le pianiste de "Petites pointures" type Miles Davis et Dizzy Gillespie, sans oublier son travail auprès de la chanteuse Dinah Washington. Volant de ses propres ailes à la fin de cette décennie, Wynton Kelly allait habituer le public à l'Excellence, sa plus grande qualité étant la simplicité des approches. Le disque illustré ci-haut est reconnu comme un de ses meilleurs. Le musicien est décédé en 1971.
Wynton Kelly, Surrey With The Fringe On Top, 1961, Someday My Prince Will Come
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