Pourquoi? Pour connaître des succès en Angleterre ou aux États-Unis? Je ne crois pas. C'était une question géographique. La France avait comme voisins les britanniques et l'opportunité de se produire à Londres existait. Une carte de visite sous forme de disque pouvait aider, d'autant plus que les jeunes de là-bas entendaient les artistes populaires de France via la radio.
C'était la même chose pour le Québec, mais en plus accentué. Nous sommes entourés d'Anglais. Pour une formation québécoise, se produire dans la province anglo de l'Ontario était chose facile. Idem pour les États de la Nouvelle-Angleterre (Vermont, New York, New Hampshire, Maine, etc.) d'autant plus que sur ces territoires vivait une forte population franco-américaine. Les jeunes de ces lieux connaissaient les artistes du Québec, via les stations de radio de Montréal ou de Sherbrooke. Il y a donc eu beaucoup de disques en anglais de la part de nos artistes jeunesse des années 60.
FRANÇOISE HARDY : Vous n'aviez jamais entendu ça, hmmm? Pour ma part, je crois que ce réenregistrement 1963 du succès initial de l'adolescente est supérieur. C'était destiné à l'Angleterre, mais j'ai eu une surprise en trouvant sur Internet ce 45 tours que vous voyez. C'est américain, via la compagnie yankee Kapp et l'étiquette 4 Corners, consacrée aux produits étrangers. L'anglais de Françoise était un peu scolaire. En 1965, elle proposera aux britanniques un microsillon dans leur langue et connaîtra un succès radio avec la chanson All Over The World, reprise récemment par Katie Melua.
ADAMO : En 1967, le Belge réenregistre plusieurs de ses succès pour le marché anglais. Ça n'a pas fonctionné, mais l'effort était louable.
SULTANS : Une photo du groupe nous les présente sur le plateau de l'émission télé jeunnesse Where The Action Is. Cela laissait croire que les Sultans avaient un public anglophone, dans les États que je viens de nommer. Sur leur microsillon de 1967, on note cinq chansons en anglais, toutes des compositions, dont celle-ci, agréable.
HOU-LOPS : Ils se sont frottés souvent à l'anglais, avec, entre autres, un microsillon dans cette langue. L'effort était certes motivé par le fait que leur chanteur Gilles Rousseau était bilingue, sans accent français. Cette chanson est une réussite et ne ressemblait pas du tout à la pièce d'origine par le chanteur Ernie K-Doe, de la Nouvelle-Orléans. Plus rock que soul. Mother in Law sera un franc succès au Québec et en... Belgique. Ceci a permis au groupe de se rendre là-bas, d'y enregistrer un autre disque en anglais, de se produire en Belgique, puis en France, dont une première partie pour un spectacle des Rolling Stones à l'Olympia de Paris.
Il existe une photo de Gilles Rousseau avec Mick Jagger. Les gens de l'Olympia avaient ordonné aux groupes de l'affiche de ne chanter qu'en anglais. Les Hou-Lops ont obéi, mais après deux chansons, les gars sentaient que le public était indifférent. Alors Rousseau a dit un truc du genre : "Nous sommes du Québec et heureux de pouvoir jouer à Paris." Il semble que le public, étonné, ait applaudi à tout rompre et a été attentif aux autres pièces de ces nouveaux copains.
DEM & DINO : Je n'ai rien trouvé sur ce duo. Cependant, le chanteur brésilien Ronnie Von avait enregistré une version de Girl avant que le disque des Beatles ne soit disponible en Amérique du Sud et ce fut un immense succès radiophonique. Il se peut donc que ce que je vous présente soit une version de la version.
TRIO ESPERANÇA : (Notre photo) Trio féminin reconnu mondialement comme de grandes chanteuses acapella. Cependant, à leurs débuts, il y avait un frère, avec les deux soeurs. Une chouette version d'une pièce des B.
PAULO CESAR BARROS : Celui-là fut une grande vedette de son pays pendant des décennies. Une version assez conforme à l'originale.
SERGIO MENDES & BRASIL 66 : D'accord, d'accord, ce n'est pas en portugais, mais tous les membres du groupe, sauf la chanteuse, étaient du Brésil, même si cette formation était de nature américaine. Quoi qu'il en soit, les arrangements du pianiste Mendes présentent des larmes de bossa sophistiquée absentes de la version des Biteules.
1. jakin le 12-09-2018 à 15:11:21 (site)
Ha plus cool, surtout la première pièce...la langue est plus agréable et se prête bien à la musique....
2. MarioMusique le 12-09-2018 à 21:11:04 (site)
Ces disques étaient beaucoup mieux produits que ceux du Japon.
Une pratique typique de la période 1960-65 et qui allait disparaître par la suite : offrir des versions en différentes langues de chansons d'abord célébrées en anglais. En France, on se tournait souvent vers les versions italiennes. Voici quelques cas pour l'Allemagne. Cela va de soi que les chanteurs et chanteuses ne parlaient pas ces langues et qu'on y allait phonétiquement, en gardant la piste instrumentale. Ces disques sont devenus relativement rares, puisqu'on ne retrouve pas ces chansons sur des compilations, sauf dans le cas des Beatles. J'écris les titres en anglais, pour faciliter les choses.
BEACH BOYS : Les Californiens du soleil tentent une entrée en Allemagne! Un peu bizarre, non, d'entendre ces voix se frotter à une langue aux sonorités plus rudes ?
TEMPTATIONS : De la soul germanique! Tous les artistes Motown s'y sont frotté.
PETULA CLARK : Danke shoen, fraulein.
FRANCE GALL : Vous ne le saviez pas? Ce n'est pas tout : France Gall a aussi chanté phonétiquement en japonais.
BEATLES : Un cas différent, puisqu'avec la version teutone de She Loves You, ces pièces apparaissent sur des CD de compilation. De plus, les Beatles avaient réenregistré les pistes instrumentales, dans un studio de Paris. Les paroles allemandes avaient été écrites par un animateur de radio du Luxembourg.
1. Nikole-Krop le 11-09-2018 à 00:02:46 (site)
Voilà qui fait sourire. Les Beatles passent bien. France Gall, à cette époque, en plus de son allemand artificiel, chantait mal, j'avais oublié. Quant à Pétula Clark, pour ma part, je lui passe bien des choses, lui ai toujours trouve du charme en tant que chanteuse, et de toute façon j'adore cette chanson...
Merci Mario.
2. MarioMusique le 11-09-2018 à 02:59:51 (site)
Je suis sur une lancée avec des langues... À venir : les Beatles au Brésil, artistes francophones chantant en anglais, succès nord-américains en d'autres langues que l'anglais.
3. johnmarcel le 11-09-2018 à 05:08:25 (site)
Je ne connais que les chansons folkloriques en ce qui concerne l'Allemagne, et bien sûr Scorpions et son Wind of Fire et le groupe Boney M...
4. MarioMusique le 11-09-2018 à 05:53:10 (site)
Wind of Change, plutôt.
Ce ne sont pas des chansons allemandes : deux américaines, deux britanniques et une française. Comme indiqué dans le texte, ces artistes chantaient phonétiquement sur des disques distribués dans différents pays ne parlant ni anglais ni français.
5. jakin le 11-09-2018 à 09:08:41 (site)
Intéressant musicalement ! Mais la langue allemande m'a toujours cassée les oreilles...question d'antagonisme culturel...
6. MarioMusique le 11-09-2018 à 18:17:32 (site)
Moi aussi ! Tout simplement une curuisité, parce que ceci a existé et que peu de gens le savent.
Si vous croyez que traduire en français des chansons anglaises est exclusif à la France et au Québec, vous avez tort. Cela se faisait partout, au cours des années 50 & 60. J'ai des pièces en plusieurs langues, mais en nombre un peu faible.
Je représente le Japon avec trois chanteuses et aucun mâle, bien que je sache que cela existait, tout comme les groupes de rock instrumental dans la veine Ventures et Shadows. Mes trois nippones ou un point commun avec le Québec : la traduction était immédiate, la même année que le succès anglais. De plus, ces jeunes artistes étaient logiques : elles interprétaient les pièces d'autres filles.
Pour éviter un casse-tête, j'ai mis le titre en anglais et ajouté l'interprète d'origine après l'année. La photo ci-haut : Meiko Hirota.
1. johnmarcel le 08-09-2018 à 07:58:27 (site)
Tuti (qui ne voit pas l'écran) me dit Chanson 1960... japonais… et elle me sort une phrase en japonais…
2. MarioMusique le 08-09-2018 à 17:29:24 (site)
J'imagine que le japonais doit être une langue courante dans cette partie du monde.
3. johnmarcel le 08-09-2018 à 19:10:26 (site)
Singapour, Malaisie, Japon, Corée du Sud, Taiwan et Chine sont les pays les plus représentés point de vue tourisme… en ce qui concerne les pays occidentaux ce sont surtout l'Australie et les USA… tout ce que je sais pour le Canada c'est un canadien qui s'est marié avec une indonésienne…
4. MarioMusique le 08-09-2018 à 20:14:59 (site)
J'aimerais bien aller en Asie, mais je ne suis guère voyageur. Je choisirais le Japon.
Tu auras noté que si elles chantent en japonais, elles ont gardé le titre anglais pour les refrains, avec un accent.
Ces disques souffraient d'une production un peu bäclée, si on compare avec les versions d'origine.
Je vais continuer mon tour du monde avec les prochains articles.
5. johnmarcel le 09-09-2018 à 05:00:11 (site)
L'aller-retour Québec-Tokyo avec Air Canada, 1325 dollars canadiens… tu pars le 1 octobre, tu rentres le 12...
Les palmarès québécois des années 1960 ont tout pour étonner. Chanceux que je suis, je peux citer un exemple de ma ville de Trois-Rivières. Il y avait deux stations de radio : CHLN visait la clientèle adulte et CKTR s'occupait des jeunes. Si la seconde favorisait les versions québécoises, la première optait pour les pièces provenant de France. Pour les compagnies de disques, quand un 45 tours potable arrivait de France, on dépêchait un groupe ou une chanteuse pour illico enregistrer une version locale, dans l'espoir de jeter le 45 de France dans les limbes. Volci trois exemples, suivis de deux étonnantes versions de chansons européennes.
HOU-LOPS : Le groupe jette Adamo dans les limbes. Si je rencontre un Hou-Lops un jour, je vais lui poser la question : Ça ne venait pas de vous, interpréter Adamo, n'est-ce pas ? Car ce n'était pas vraiment le style de la formation. Notez que les versions québécoises évitaient la formule de France, avec violons et cuivres. C'était la base guitare-basse-batterie.
SULTANS : Deux gagnants au fil d'arrivée. J'ai souvent croisé des palmarès 1966 avec les Sultans coude à coude avec Polnareff. On peut reconnaître que la version d'origine est un disque supérieur, mais le 45 tours des Sultans était loin d'être mauvais.
GUERRIÈRES : France Gall gagnante haut-la-main. Ce sera le seul disque des Guerrières, davantage connues pour cette incroyable photo ci-haut. On n'en voit plus des comme ça! D'ailleurs, les filles jouant de leurs instruments étaient une rareté. Il va de soi que Mario B apprécie l'orgue de la version locale.
BEL-CANTO : Le groupe local le moins manipulé par les compagnies de disques. Peu de versions de pièces anglophones dans leur répertoire, présentant surtout des compositions. Quand venait le temps de l'interprétation, ces jeunes gens proposaient ce que les autres ne faisaient pas : des chansonniers québécois (Ferland, Vigneault) ou des chanteurs à texte de France : Bécaud, Aznavour et, ici, du Jacques Brel yéyé.
CLASSELS : Le groupe le plus populaire de l'époque, mais bibi n'aime pas trop, à cause de la présence de guimauve trop sucrée et des voix des deux chanteurs. Cependant, j'admets que les Classels étaient de bons musiciens, avec beaucoup d'écho sur la guitare. Pourquoi une version 1966 d'une pièce 1961 de Bécaud ? Parce qu'en 66, une version anglaise, par Sonny & Cher, était sur toutes les lèvres. Quoi qu'il en soit, ni le duo ni Bécaud n'offraient des guitares tranchantes comme celles des Classels.
1. johnmarcel le 07-09-2018 à 05:10:04 (site)
Commentaire de Tuti sur la chanson des Hou-Lops : Mais c'est le même accent qu'avec français...
2. MarioMusique le 07-09-2018 à 06:00:18 (site)
Ah si, Gilles Rousseau chantait en français ! Ah! Ah!
3. jakin le 07-09-2018 à 06:47:58 (site)
Très intéressant ces histoires sur la motivation et la production de ses titres. On dirait aujourd'hui c'est de la réappropriation identitaire où du populisme d’État ?...
5. MarioMusique le 07-09-2018 à 16:48:21 (site)
On sentait parfois une certaine urgence. Cette histoire d'adapter des titres anglos en français répondait aussi à cette urgence. C'était le cas dans plusieurs pays (Bon sujet pour le prochain article) dont la France. Des gens comme Dick Rivers, Halliday ne faisaient que des traductions.
C'est en 1966, autant en France qu'au Québec, où les artistes jeunesse ont fait savoir qu'ils pouvaient aussi composer. Cela existait avant, mais ils avaient un mal fou à enregistrer leurs chansons.
Commentaires
1. jakin le 13-09-2018 à 16:31:04 (site)
Là on est un peu dans le classique des Chanteurs français qui s’essaient avec plus ou moins de bonheur avec la langue de Shakespeare...
2. MarioMusique le 13-09-2018 à 16:50:34 (site)
Tu es un peu sévère...
Vrai que si tu éntends la chanson des Sultans et des Hou-Lops une première fois, tu ne peux savoir que ce sont des francophones.
3. johnmarcel le 15-09-2018 à 14:31:40 (site)
Je préfère l'anglais approximatif de Françoise Hardy à la mauvaise prononciation d'un seul mot de Nolwenn Leroy quand elle chante Moonlight Shadow…
4. MarioMusique le 17-09-2018 à 03:34:01 (site)
Sais pas ! Cette version de Françoise est meilleure que le disque d'origine, avec des orchestrations plus riches et aussi parce que sa voix est murmuré, comme elle le fera si bien par la suite.
5. Nikole-Krop le 30-09-2018 à 22:25:28 (site)
Une époque bien révolue que celle où je n'avais pas envie de cracher en entendant ce titre d'Adamo... las!
6. MarioMusique le 30-09-2018 à 22:45:47 (site)
Merci !