Du 78 tours au disque compact

Buddy Tate & Milt Buckner, Them There Eyes, 1967, When I'm Blue

*****

BOBBIE GENTRY : Un disque extraordinaire! Personne n'avait jamais entendu une telle chose avant. Ceci se déroule à la campagne, pendant le repas du midi d'une famille paysanne (On peut même y entendre "Passe-moi les biscuits".) Le sujet de discussion : un jeune homme du nom de Billie Joe s'est jeté dans la rivière la veille. Commentaires divers sur Billie Joe... Mais la fille aînée semble troublée, perd l'appétit (Ce que sa mère lui reproche.) Le temps passe et plus personne ne parle du suicide de Billie Joe mais, en secret, la fille se rend souvent sur le pont et jette des fleurs dans la rivière. La chanson laisse sous-entendre qu'elle aurait refusé l'amour proposé par le jeune homme. On tournera un film basé sur cette histoire, portant le titre de la chanson.

CHRISTOPHE : Personne ne sait de quelle façon "l'ami qui n'était pas bien sur terre" a mis fin à ses jours. Témoignage bien écrit et émouvant.

DICKIE LEE : Celle-là, je vous assure, a fait pleurer des milliers de gens ! Un garçon et une fille sont amoureux et désirent se marier. Sauf que les parents du garçon lui interdisent de fréquenter la demoiselle. Alors, la fille, désespérée parce que son amoureux ne la visite plus, se jette dans la rivière. En finale, le garçon nous assure que "même si ce n'est pas bien, j'irai te rejoindre ce soir." Vos mouchoirs, je vous répète !

PAT BOONE : Étonnant qu'un chanteur aussi conservateur aborde le sujet. Encore une histoire d'amour, mais la demoiselle trompe son petit ami et, prise de remords, se jette dans la rivière. Décidément, les rivières avaient la faveur des désespérés, au cours des années 60.

Ce truc se faisait entendre partout, cela pendant des années. Je ne peux imaginer chanson davantage identifiée à un chanteur. Il ne faut pas se le cacher : si les jeunes avaient acheté les disques suivants de l'artiste, c'était parce qu'ils voulaient entendre une autre chanson du style de Woman. Ce qui n'est pas arrivé.

J'ai vécu la situation autour de 1975 alors que je faisais partie d'un voyage organisé vers la Place des Arts de Montréal, où Shawn se produisait. Deux autobus pleins de jeunes. Le spectacle était électrique, assez moche, si bien que Phillips a été hué. Mais quand il a chanté Woman, il a eu droit à une ovation. Deux autobus pour entendre une chanson.

Au cours des années 80, j'avais eu la surprise de voir une très petite affiche à l'entrée d'un petit bar, annonçant la venue de Shawn Phillips. L'homme n'avait plus de contrat de disques, n'avait jamais été reconnu et son seul gagne-pain était de chanter Woman à des Québécois.

Au fait : Second Contribution n'était pas son deuxième disque, mais son troisième.

 (AGGGR ! Erreur!)

 

 

OCTOBRE : La valse à onze temps (1974)

DAVID BOWIE : Stay (1976)

FRANK ZAPPA : More Trouble Every Day (1974)

RARE EARTH : (I Know) I'm Losing You (1970)

KING CRIMSON : Red (1974)

Autre erreur !

BRIAN ENO : The Great Pretender (1974)

 

 

Gilles fut un des grands amis de ma vie, de l'adolescence à la vie adulte. Au cours des années 70, on se rencontrait plusieurs fois par semaine, sans oublier nos collaborations théâtrales. Comme moi, Gilles était amateur de rock, sans doute beaucoup plus que nos autres copains. C'est avec lui que me rendais au bar Rio pour tripper bière et musique.

Dans le sous-sol, chez lui, il y avait un petit coin bien à lui, aménagé selon ses goûts et aussi avec des manies propres à notre génération, comme jeter au sol des vieux matelas qui nous servaient de sofas. Il y avait aussi une table basse et on s'éclairait davantage avec des bougies qu'avec l'électricité. Souvent, d'autres amis venaient et on passait des nuits à jouer au... Monopoly! On consommait de la bière et de la marijuana (et autres...) Cela va de soi, il y avait sans cesse de la musique.

Gilles possédait autour d'une soixantaine de microsillons et aucun 45 tours. Les disques étaient rangés dans un coffre, en bon ordre. Comme tant d'autres, on écoutait Santana, Jethro Tull, Deep Purple, David Bowie, etc. Et une grande admiration pour Zappa ! N'oublions pas les incontournables 33 tours québécois. Il adorait Jacques Michel et Octobre. Côté prog-rock, l'ami était attiré par les groupes avec des synthés, type Pink Floyd, Tangerine Dream, Emerson Lake & Palmer, Brian Eno. D'ailleurs, un peu plus tard, Gilles s'achètera des synthés et donnera quelques spectacles pour présenter ses compositions.

Un amour très prononcé pour King Crimson, ce qui était compréhensible, et un autre pour Rare Earth, ce qui était beaucoup plus étonnant. Rare Earth était un groupe rock-funky avec plusieurs 45 tours à succès au début des 70, mais Gilles possédait tous leurs microsillons. Il aimait accompagner les chansons du groupe en jouant de la batterie imaginaire. Il connaissait les paroles de ses pièces favorites par coeur. Toujours en mouvement !

Voici un petit palmarès de ses favorites et, depuis, chaque fois que j'entends ces artistes et ces chansons, je revois le petit coin du sous-sol chez Gilles. Photo de l'ami, précisément à ce moment, c'est-à-dire en 1976.