Jelly Roll Morton a été la meilleure chose qui soit arrivée au jazz naissant des années 1920. La musique des premiers disques du jazz était carrée ; celle de Jelly Roll était ronde. Le pianiste et arrangeur a ajouté de la démesure, un peu de folie communicative. De plus, Morton était un personnage : un menteur incroyable, un homme qui ne souriait jamais, sinon pour montrer sa dent en or. Détestable, ses musiciens avaient du mal à le tolérer. Ceci se retournera contre lui au début de la crise économique, alors que plus personne ne voulait se produire à ses côtés. Créole de la Nouvelle-Orléans, le véritable nom de Jelly Roll laisse deviner une origine francophone : Ferdinand Joseph Lamothe. Il est décédé en 1941. La musique de Jelly Roll était instrumentale, mais il y a une courte partie chantée, par l'homme lui-même, dans la pièce que je vous propose.
Les Américains n'ont été impliqués dans la Première guerre mondiale qu'en 1917 et 1918. Ce court temps aura été suffisant pour inonder le marché de chansons patriotiques et de propagande. Tous les artistes populaires de l'époque, hommes et femmes, ont participé à la ronde. De façon générale, ce sont des chansons naïves, sous-entendant que le soldat envoyé en Europe sera, en quelque sort, en vacances, qu'il va séduire une jolie française, etc.
Byron G. Harlan fut une vedette du monde du disque naissant. En compagnie de Arthur Collins, l'homme formait un duo se spécialisant en chansons comiques. Seul, Harlan avait une autre approche : le mélodrame ! Dans ses chansons, les orphelins se bousculent avec les veuves éplorées. La mort rode toujours. J'ai toujours pensé que la chanson que je vous offre était un hyper mélodrame.
Ted Lewis fut le second chef d'orchestre le plus populaire des années 1920. Je l'apprécie davantage que le No 1, Paul Whiteman. Sans être tout à fait du jazz, Lewis empruntait des éléments à la nouvelle musique, ajoutait un peu de folie. De plus, c'était un personnage hors du commun, qui déguisait ses musiciens, jouait du saxophone en dansant. La photo ci-haut est merveilleuse, alors que Lewis, et son haut de forme, est coude à coude avec ses musiciens dans un petit studio de la radio naissante, en 1922.
Larry Clinton dirigeait un orchestre très banal. Sa grande chance est d'avoir engagé Bea Wain. Sa plus grande malchance est lorsqu'elle est partie. Pendant ce court moment, les succès populaires se sont accumulés, dans une veine "orchestre de danse". La voix de la jeune chanteuse était remarquable ! Sur la photo, Larry Clinton côtoie Bea Wain. Au moment d'écrire ces lignes (Mai 2015) Bea Wain est l'une des rares survivantes de l'époque des big bands, âgée de 98 ans.
La chanson que je vous présente est toutes sortes de trucs. D'abord : la première chanson R & B que j'ai entendue dans ma vie, puisqu'elle était la pièce 1 de la face A d'un double-album retraçant l'histoire des disques Atlantic. J'ai aimé immédiatement ! Elle est le premier succès pour Atlantic. C'est du rhythm & blues ? Oui, mais à la lettre : dans le R & B, il y a des cuivres, mais pas ici. C'est donc du blues rythmé. C'est du proto rock & roll ? Mille fois, à cause du climat chaud et de la partie de guitare électrique (jouée par le frère de mon invité, le célèbre Brownie McGhee, de la légende du duo avec Sonny Terry). J'aimerai toujours cette chanson, parce qu'elle a de la gueule.
Ma certitude : les années 1950 sont la période d'or de l'histoire du jazz. Pourquoi ? Parce que c'était la rencontre de deux mondes : les vétérans des années 1930 (Armstrong, Holiday, Teagarden, Fitzgerald) n'étaient pas des vieillards et pousuivaient une tradition en se servant de la qualité sonore grandissante des studios d'enregistrement, où les rubans magnétiques avaient remplacé les acétates hasardeux de jadis. Le second monde : l'imagination et le talent de beaucoup de jeunes musiciens de be-bop : Miles Davis, Modern Jazz Quartet, Ray Bryant, Oscar Peterson, tant d'autres ! Enfin, dernier point : cette musique a profité amplement d'une nouveauté : le microsillon. Adieu la limite temporelle des 78 tours ! Les musiciens pouvaient ainsi s'exprimer plus librement.
Au-delà des succès radiophoniques, Chuck Berry aura une énorme influence sur les jeunes musiciens des années 1960, puis des 1970, mais un peu moins par la suite... Je ne vous parlerai pas des accords de guitare. Ce qui m'a toujours enchanté chez Berry sont les paroles des chansons. Il ne faut pas le cacher, les propos des premiers artistes de rock étaient faibles, niais, clichés. Pas chez Chuck. Il a su créer un univers s'adressant aux adolescents, le seul public pour cette musique à ce moment. Les bagnoles, la vie à l'école, les rendez-vous, l'amitié. Ma chanson favorite de Chuck Berry est celle que je vous présente, même s'il y a moins de guitare que sur ses autres disques.
Au cours des années 1950, il fut le pianiste de "Petites pointures" type Miles Davis et Dizzy Gillespie, sans oublier son travail auprès de la chanteuse Dinah Washington. Volant de ses propres ailes à la fin de cette décennie, Wynton Kelly allait habituer le public à l'Excellence, sa plus grande qualité étant la simplicité des approches. Le disque illustré ci-haut est reconnu comme un de ses meilleurs. Le musicien est décédé en 1971.
Shadows Of Knight était un groupe de Chicago reconnu pour leur version à succès du Gloria des Them, en 1966. Version inférieure à l'originale, n'en doutons pas. J'ai croisé ce CD de leur premier album dans une boutique d'usagés, à Montréal, pensant "Bof..." Je me souviens que dans l'autocar de retour, j'avais regardé les titres en sourcillant : en grande partie des interprétations de blues électrique des disques Chess : Bo Diddley, Muddy Waters, Chuck Berry et ajoutons un John Lee Hooker.
Toubabou était davantage une idée qu'un groupe musical stable. Cette idée était de réunir autour du gourou percusionniste Michel Séguin différents musiciens de studio afin de s'éclater. La première approche sur disque était centrée sur la musique africaine (avec la participation de musiciens de ce continent) alors que le second et dernier microsillon embrassait le jazz-rock alors en vogue. La chanson que je vous présente est du style et je mentirais si je clamais que c'est musicalement original. Cependant, il y a la présence de Lise Cousineau avec une partie vocale heuuuu... ! On n'en a jamais entendu une semblable depuis. Ne ratez pas la finale, alors qu'elle en ajoute pour la peine.
La plus grande partie du répertoire de Manhattan Transfer est consacrée au jazz, alors qu'en réalité, ces deux hommes et deux femmes ont aussi chanté de la musique pop, proposé des harmonies vocales et touché à la samba. Je dois beaucoup à ce groupe, découvert au moment où je ne m'intéressais pas au jazz. Manhattan Transfer m'a permis de connaître maintes pièces classiques du style, m'incitant à dénicher les versions d'origine. La période d'or du groupe se situe de 1978 à 1985. Avant, il y a eu un apprentissage et après, un déclin progressif, surtout à compter des années 1990, où on compte davantage de disques de Janis Siegel et surtout de Cheryl Bentyne que d'opus de la formation. Vrai que les deux hommes commencent à prendre de l'âge... Ce disque, à la pochette très laide, est mon favori et j'adore cette pièce, où on sent l'influence du modèle vocal de mes invités : Lambert, Hendricks et Ross, que j'ai déjà présentés ici (Voir décennie 1950-1959, section jazz). Réunissez des amis et tentez de chanter comme Manhattan Transfer !
Les amateurs d'interprétations musicales ne peuvent qu'applaudir l'initiative réussie de Matthew Sweet et de l'ex Bangles Susanna Hoffs, présentant trois disques de reprises, couvrant les décennies 1960, 1970 et 1980. Sur le premier volume, il allait de soi qu'il fallait une chanson des Beatles, considérant que Sweet et les Bangles avaient été influencés par le quatuor. Une belle idée de reprendre cette chanson, extraite de Revolver (1966) et qui n'a pas été souvent interprétée par des artistes du futur.
Voici un disque que 99.9 % des Québécois ne connaissent pas et qui, dès 1992, était difficile à trouver. C'est souvent le cas pour les artistes ne passant pas par les compagnies de disques officielles. Pourtant, cet enregistrement rare demeure un de mes disques locaux préférés. La qualité des textes était au rendez-vous, tout comme l'inspiration musicale. Le truc des Minstrels, c'était la musique pop-rock 1965-1966, cela sans tomber dans la nostalgie. Il m'est toujours apparu évident que ces jeunes gens avaient écouté les Hou Lops, Bel-Cantos et Sultans de jadis. En toute logique, je devrais vous présenter une compo des Minstrels, mais j'ai plutôt chosi cette musique qu'ils ont composée sur un texte de Jacques Prévert. Les propos un peu sombres prennent ici une tournure joyeuse et irrésistible. C'est du Prévert yéyé, du Jacques à gogo.
J'ai toujours pensé que cet enregistrement public voulait nous laisser croire que les interventions des spectateurs étaient spontanées. Je n'en crois rien ! Je suis persuadé que Ramsey Lewis et ses musiciens ont fait répéter la petite foule, avant de jouer la pièce, destinée à un enregistrement. Quoi qu'il en soit, les gens présents ajoutent une belle étincelle. J'adore quand ces voix semblent sortir de nulle part pour fredonner le succès des Beatles. Une superbe reprise de cette chanson de 1965, une des meilleures que je connaisse.
Une formation britannique avec cinq francs succès radiophoniques, de 1970 à 1972, mais qui a beaucoup souffert de la comparaison avec les Beatles et de leur implication dans l'univers des Quatre garçons dans le vent. Badfinger était influencé par les Beatles, certes, mais ils n'étaient pas les seuls. Signé par la compagnie Apple des B, le premier succès du groupe est signé McCartney, qui produira un de leurs microsillons, tout comme George Harrison. Badfinger est entraîné dans les problèmes financiers de Apple. Récupéré par Warner Brothers, Badfinger ne retrouve pas leur succès initial. En 1975, Pete Ham, principal compositeur, se pend. Une reformation de Badfinger mord la poussière et, en 1983, Tom Evans, grand ami de Ham, se pend à son tour. Le groupe avait beaucoup de talent dans une veine pop-rock et leurs cinq succès demeurent parmi mes favoris de la décennie 1970.