Quel est le disque le plus vendu, aux USA, à l'ère du 78 tours ? Louis Armstrong, Bing Crosby, Glenn Miller, Duke Ellington ? Non ! Vernon Dalhart et The Prisoner's Song : sept millions de disques écoulés. Curieux, car c'est un enregistrement plutôt médiocre, mais il faut croire que le sujet avait rejoint le commun des mortels, qui se rendait au cinéma ou au théâtre pour pleurer. Or, cette chanson est trrrriste et on imagine tous ces braves gens verser des torrents pour ce pauvre prisonnier condamné et qui voudrait avoir des ailes pour s'échapper de sa cellule et passer quelques instants entre les bras de son amoureuse, afin de pouvoir mourir le coeur en paix.
L'enregistrement date de 1924, à l'époque de l'ère acoustique, sans trouver écho. Il y a une réédition en 1925 pour un immense succès. Du fait, avec le White Christmas de Bing Crosby et le Twist de Chubby Checker, Prisoner's Song est la seule chanson à avoir atteint le numéro 1 à deux reprises : mars 1925 et novembre 1925 (J'y reviendrai).
La chanson est considérée comme du country, à un moment ou cette musique était marginale. Vernon Dalhart, de New York, a simplement repris l'idée de la musique de cow-boy et a énormément aidé le style à trouver un public plus imposant. Dalhart était aussi le "Journal chanté" de son époque, avec des chansons sur les exploits de Lindberg, sur le décès de Rudolph Valentino, sur le souvenir du naufrage du Titanic, sans oublier les déraillements de trains.
Oui, mais... Comment prétendre que cette chanson ait été numéro 1 à deux reprises, alors qu'il n'y avait pas de palmarès, que les disques n'étaient pas diffusés à la radio ? Un travail de titan de Joel Whitburn, avec son livre Pop Memories 1890-1954 (et qui est très coûteux). Whitburn et son équipe attribuaient des points pour chaque mention d'une chanson dans des revues du monde du spectacle, considéraient les ventes de feuilles de musique, se servaient de toute source pour accumuler des points, qui étaient des évaluations assez justes de la popularité d'un disque.
Vernon Dalhart, Prisoner's Song (1925)
Ah, la chanson "de rue" de France ! La chanson sociale ! Nous avons ici droit à un voyou, un vilain mec qui fait peur aux bourgeois, le tout sur un air d'accordéon. Trève d'ironie : comme toutes les chansons françaises des années 1930, c'était très bien écrit. Henri Garat, comme tant d'autres, alliait la scène, le cinéma et les disques. Au cours de la décennie 1940, Henri Garat fait sans cesse la manchette, à cause de scandales. Il était devenu un véritable mauvais garçon... La chanson provient d'un film du même titre.
Henri Garat, C'est un mauvais garçon, 1936
1. Nikole-Krop le 19-08-2015 à 13:42:12 (site)
je la connaissais chantée par une femme (Berthe Silva ? pas sûre). Je bramais volontiers cette chanson dans la cour de la maison (Milord, de Piaf, aussi, sur la balançoire).
2. MarioMusique le 19-08-2015 à 14:53:01 (site)
À vérifier. Excellente musique de balançoire !
Curieux de A à Z ! Un fait est certain : Cleo Brown est la première de la catégorie "Chanteuse devant un piano". Je n'en connais aucune autre avant et des douzaines par la suite. Elle avait une façon inhabituelle de chanter, avec des grondements, des élans respiratoires. Un mot sur son jeu de piano : sautillant et dynamique, un peu à la façon de Fats Waller. La musique, que je qualifie ici de jazz, était en réalité du proto rhythm & blues, une quinzaine d'années avant la vague. Je ne vous parlerai pas des propos parfois bizarres de ses chansons... J'explique la comète : Cleo Brown a enregistré une trentaine de titres en 1935 et 1936, puis plus rien, en omettant une tentative de retour au début de la décennie 1950. En conclusion : tout ceci a de la gueule et demeure très, très unique.
Cleo Brown, Here Comes Cookie (1935)
Il y a une part de mystère entourant Tommy McClennan : sa date de naissance est incertaine, tout comme celle de son décès. De plus, comme dans certains autres cas pour les artistes de blues, il n'existe qu'une photographie de lui. Il enregistre près d'une cinquantaine de titres pour la firme Bluebird entre 1939 et 1942, mais personne ne connaissait ses antécédents, puis après 1942 : plus rien.
Tommy McClennan, avec Charley Patton et Bukka White, peut être considéré comme un prototype de chanteur de blues primitif, ne faisant aucune concession. L'homme avait une voix rauque et grondante, puissante. Ses disques étaient particulièrement bien enregistrés. En fait, en écoutant McClennan, on pourrait croire que ces chansons ont été enregistrées l'an dernier.
Tommy McClennan, Whiskey Head Man, 1940
La première fois que j'ai entendu ce disque, j'étais adolescent. Je venais de me procurer un double album mal intitulé The Golden Age Of Rhythm & Blues et qui présentait des obscurités de la scène d'harmonies vocales des années 1950, gracieuseté de la compagnie Chess.
Ça débutait avec de l'orgue Hammond et, déjà, cet instrument me jetait par terre. Ensuite, un chanteur à la voix haut perchée entrait en scène, suivi d'un incroyable saxophone suave, alors que le reste du groupe gazouillait à n'en plus finir. Un grand moment de ma vie ! J'aime toujours. La chanson provenait du répertoire des orchestres de danse dits "Big Bands", avec Kay Kyser et Glenn Miller en tête.
Blue Jays, The White Cliffs Of Dover (1953)
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