L'idée de traduire en français une chanson anglaise est lointaine. Mais elle s'est imposée de façon abusive au cours des années 60. Je me souviens avoir lu un article sur les Hou-Lops, alors qu'un survivant du groupe avouait : "On n'avait pas le choix." Bref, la plupart du temps, ce n'était pas une idée de l'artiste, mais celle d'un producteur, d'une compagnie de disques. C'était facile, rapide, peu coûteux et opportuniste. Paresseux, de plus. Je ne connais que quelques rares cas de versions françaises supérieures à l'anglaise.
Cette manie baisse avec la décennie 1970, sans disparaître entièrement. Des gens comme Johnny Halliday ou Pierre Lalonde, au Québec, ont atteint leur renommée avec des traductions, mais les deux ne s'y collaient plus dix années plus tard.
L'exception fut Joe Dassin. 90 % de son répertoire était composé de traductions. Je trouvais la chose stupide et anachronique. Autre raison pour détester Joe : de 1979 à 1984, j'ai travaillé pour une station de radio se spécialisant dans la soupe, surtout le potage de France et on devait faire tourner Dassin tous les jours, plusieurs fois. L'auditeur, quand il n'aime pas une chanson, a la liberté de fermer son appareil. Pas le type derrière la console obligé d'écouter!
Voici quelques exemples 'd'emprunts' de Joe. J'en ai encore beaucoup plus. Amusez-vous à trouver les titres français.
La manie paresseuse et discutable de traduire en français des chansons anglophones, si présente au cours des 1960, tend à s'effacer progressivement au cours des 70, tant au Québec qu'en France. Ceci existe pourtant toujours au Québec, par des artistes de petite envergure, qu'on qualifie de quétaines. Chez les gens dits majeurs, cette pratique est disparue. Sauf dans un cas étonnant : Michel Pagliaro. Oh, bien sûr, Pag présente surtout ses propres chansons, mais sur les microsillons, on croise quelques traductions, surtout des premiers jours du rock. Les versions sont drôles ou musicalement très efficaces, étonnantes. En voici cinq, provenant de deux microsillons de 1974 : "Pagliaro" et "Rocker."
BÉBE TU M'FAIS FLIPPER : Sea Cruise, par Frankie Ford, 1959
MISS ANN : Miss Ann, par Little Richard, 1957
ÇA VA BRASSER : Around and Around, par Chuck Berry, 1959
PAS D'CURE CONTRE LA MANUFACTURE : Summertime Blues, par Eddie Cochran, 1958.
PAS D'CHANCE : Slow Down, par Larry Williams, 1957. Aussi par les Beatles, en 1964.
1. jakin le 01-08-2019 à 19:40:19 (site)
quétaines ? C'est la première fois que je rencontre un tel mot....Mais les pièces de musiques que je découvre sont dignes d'intérêt....
2. MarioMusique le 01-08-2019 à 20:40:53 (site)
Quétaine : kitsch, cul-cul, superficiel, gratuit. Voir :
http://mario3.vefblog.net/3.html#Quebecisme__Quetaine
De n'est pas Pahliaro qui est en cause...
LE TEMPS : Trio qui fut alors décrié, à cause de la ressemblance d'une de leurs chansons avec Harmonium. Pour ma part, Harmonium n'aurait jamais pu écrire et interpréter ce petit bijou de simplicité qui a connu la faveur du grand public. Le Temps n'a enregistré que deux microsillons, l'un très différent de l'autre, avant de disparaître, sauf pour Mario B, qui se plait à les écouter de temps à autres.
BEAU DOMMAGE : Ce groupe avait la chance d'avoir recours à trois voix solos habiles. Celle de Marie-Michèle DesRosiers n'avait droit qu'à à une seule chanson par 33 tours. Celle-ci fut un succès radiophonique. Reprise récemment par Chantal Chamberland.
CLAUDE DUBOIS : Il flirte alors le reggae pour un microsillon raté, sauf dans le cas de cette chanson, qu'on peut qualifier de reggae sophistiqué.
BOULE NOIRE : Alias George Thurston. Premier succès pour Boule, chanteur très moyen qu'on entendra sans cesse à la radio jusqu'en 1980. J'ai alors eu l'impression que tout le monde en avait marre de lui. Ceci ne l'empêchera pas de poursuivre jusqu'aux années 2000, avant son décès. Rare intrusion locale dans le domaine soul.
MICHEL PAGLIARO : Pag en pleine gloire, avec un bon rock qui ne ressemble pas du tout à une chanson du style, au début.
1. jakin le 31-07-2019 à 18:34:01 (site)
Une nouvelle découverte pour moi, j'aime bien ces succès francophones que je suppose québécois ?
2. MarioMusique le 31-07-2019 à 19:07:15 (site)
Oui, les cinq sont du Québec. Les succès de France de ce moment me faisait pousser des boutons. Beaucoup de soupe type Michel Sardine, Joe Bassin, Nana Ouistiti, Alan Barré, etc.
Pas ma tasse de thé.
La chanson la plus singulière composée par John D. Loudermilk a connu un destin qui a pris quelques années avant de se manifester. Enregistrée une première fois en 1959 par un chanteur amérindien du nom de Marvin Rainwater, sous le titre de Pale Face Indian, ce disque n'évite pas les stéréotypes un peu ridicules. Loudermilk la présente de meilleure façon sur un microsillon, en 1965 (L'écouter un peu plus bas) avant qu'une première reprise ne surgisse, en 1969, par la voie d'un chanteur britannique : Ron Farden. Petit succès et bon disque, mais qui ne pourra être comparé à la version de Paul Revere & The Raiders.
Sans doute que 1971 était davatage propice pour une chanson sur le destin cruel du peuple cherokee, assimilé par les Blancs américains. Sauf que l'esprit menaçant était musicalement beaucoup mieux exprimé sur ce disque des Raiders (Le nom Paul Revere & the avait alors été effacé).
Le disque a été produit par Mark Lindsay, chanteur du groupe. Est-il responsable de l'intrusion d'une section de cuivres et d'une autre de cordes? Je n'ai jamais aimé les tonnes de violons, mais il faut avouer qu'ici, c'est particulièrement créatif et au service du climat de la chanson.
Ce 45 tours sera numéro 1 au palmarès Billboard et sera vendu à plus d'un milion d'exemplaires. Ce sera le dernier et plus important succès pour cette admirable formation rock, en vedette au coeur des années 60.
1. jakin le 30-07-2019 à 19:06:52 (site)
Salut Mario, Effectivement il manquait l'indien à cette saga....ne serait-ce, pour avoir une corde à son arc, un arc musical.....
2. MarioMusique le 30-07-2019 à 20:30:59 (site)
Je vois, je vois...
Un 45 tours de 1960 et un cuisant échec. Rien ne laissait présager que Tobacco Road deviendrait la chanson la plus connue de John D. Loudermilk. Je possède 26 versions, la majorité étant des rocks. En minorité : country, blues, soul et jazz. La première interprétation que je connaisse date de 1963, par l'ensemble country The Browns, mais il fallait attendre l'année suivante pour que la machine se mette en marche.
NASHVILLE TEENS : Le nom du groupe est trompeur, car ces jeunes gens étaient bel et bien britanniques. Ce sont eux qui transforment en électricité les accords acoustiques de Loudermilk. Ce sera la forme la plus connue des futurs Tobacco Road (Par exemple, la reprise de David Lee Roth, circa 1986, copiait les Nashville Teens.) Ce sera aussi la seule fois où la chanson sera un succès radiophonique.
BLUES MAGOOS : On pourrait croire à une copie du disque des Nashville Teens, jusqu'à ce que surgisse un passage psychédélique débridé. Cette formule sera celle adoptée par Led Zeppelin et leur Whole Lotta Love.
La plus grande partie des reprises de Tobacco Road date de 1966 à 1975, comme si la chanson faisait partie des moeurs rock de l'époque. Des gens connus s'y sont frottés, tels Jefferson Airplane, Spooky Tooth, Edgar Winter, Eric Burdon, Lou Rawls et les deux suivants.
RARE EARTH : Cette exellente formation y va par le blues, avec orgue. C'est par eux que j'ai connu la chanson. J'aime autant qu'au premier jour.
SHOCKING BLUE : Une approche différente. Je la présente parce que dans ma vingtaine de reprises, il n'y en a que quatre par des femmes.
ASH GRUNWALD : La version la plus récente en ma possession date de 2018, par Drawtones, formation jazz instrumentale. Pour le 21e siècle, je connais aussi par Siggi Schwarz, Southern Culture Of The Skid et par cet étrange troubadour australien, Ash Grunwald. Le dépouillement ici présent rappelle la version d'origine par Loudermilk, que vous pouvez écouter dans l'article suivant.
1. jakin le 29-07-2019 à 18:04:17 (site)
Des pièces que je découvre et qui font bouger...et les explications aident à la compréhension....
2. MarioMusique le 29-07-2019 à 18:57:36 (site)
Ah, vous ne connaissiez poiint Tobacco Road ?
Au fait, par un hasard, je viens de découvrir une autre version qui n'apparaissait pas dans ma liste.
Commentaires
1. jakin le 02-08-2019 à 19:11:45 (site)
Salut Mario, je les avais toutes entendu par Joe Nissad... les originales sont de meilleures factures.....
2. johnmarcel le 02-08-2019 à 19:12:38 (site)
Quand j'écoutais Joe Dassin, je savais pas qu'il chantait des traductions, ou des interprétations, jusqu'au jour, dans le restaurant du Novotel de Bradford, en fond d'ambiance, où je travaillais, j'ai entendu Song sung blue de Neil Diamond que j'avais déjà "entendu" quelque part… sauf que, c'était Joe Dassin ou Sacha Distel qui l'a chanté en français ?
3. MarioMusique le 02-08-2019 à 20:06:44 (site)
'Sais pas, JohnMarcel. J'en ai d'autres comme Southern Nights de Glen Campbell ("Mon copain Julie') et I Got A Name de Jim Croce, mais je ne me souviens plus du titre par Joe.
En fait, le seul bon souvenir que j'ai de Dassin est sa chanson Les jardins du Luxembourg, qui durait 12 minutes, ce qui donnait le temps aux opérateurs de la station de radio d'aller pisser en paix et de brancher la cafétière sans se presser.
4. MarioMusique le 02-08-2019 à 20:19:29 (site)
Ah, ceci me revient : la chanson de Neil Diamond, c'était pas Sacha Distel : Chanson bleue.